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Écoconception Web :  une difficile conciliation ?

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Laurent Marchandiau
27 septembre 2023

Entre 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, c’est ce que représente la pollution numérique selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). En France, cette part s’élève à 2,5 % et pourrait atteindre les 6,7 % d'ici à 2040. D’où la nécessité de réduire l’empreinte environnementale des sites Web. Une étape qui passe par l’écoconception. Focus.

Avec 1,88 milliard de sites Internet en ligne dans le monde (chiffres de 2021), l’industrie numérique est en pleine expansion. Une industrie qui, dans une bien moindre mesure que les secteurs de l’énergie, des transports, du BTP, de l’agriculture et de la mode, pollue. Dans un rapport, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) estime cette part entre 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde en 2021, en croissance d’année en année. Il faut dire que l’industrie du numérique se veut particulièrement énergivore rien qu’en termes d’hébergement et grande consommatrice de solutions de refroidissement (par eau, air, climatisation, terres rares diverses et variées… Au niveau du Web pur, l’impact reste cantonné aux types d’hébergement, aux solutions techniques déployées (notamment les échanges entre un site et une base de données) et les mails et ce, en faisant abstraction de l’aspect matériel.

Des origines de l’écoconception à Coca-Cola

Concept remis au goût du jour, initié dans l’ouvrage « Design pour un monde réel » de Victor Papanek, un designer et enseignant austro-américain qui a publié, l’écoconception fait le lien entre design et environnement. Comble de l’ironie, c’est Coca-Cola qui commande l’une des premières évaluations environnementales dès 1969 à des universitaires du Midwest Research afin de comparer les cycles de vie des bouteilles en verre consignées à d’autres types de contenants jetables, notamment le plastique et le métal. Les résultats du rapport ne furent jamais publiés. Cependant, l’un des auteurs du rapport, Arsen Darnay indiqua à des journalistes que « la bouteille en verre consignée (à condition qu'elle fasse 15 voyages avant d'être jetée) est le contenant écologique par excellence ». Cela n’empêcha par la multinationale, faisant partie des plus importants pollueurs de la planète, de développer des bouteilles en plastiques jetables… mais c’est un autre sujet.

L’écoconception s’adresse à tous les produits et services qu’ils soient réels ou dématérialisés. Cela revient à penser dès la phase de réflexion à comment nous pouvons fabriquer un produit ou un service limitant son empreinte écologique : choix des matériaux, sourcing, logistique, effort sur la consommation énergétique, cycle de vie, recyclage… c’est l’ensemble du système de production et de consommation qui est donc fortement mis à contribution et doit être repensé.

L’écoconception appliquée au Web vise donc à réduire l’impact environnemental des sites et applications en utilisant plusieurs leviers techniques comme graphiques.

En ce sens, ils se veulent plus :

  • Frugales : leurs fonctionnalités sont réduites à leurs stricts minima ;
  • Efficients : moins « énergivores » pour des performances identiques à un site web classique ;
  • Sobres : centrés sur l’expérience utilisateur (UX Design) permettant aux visiteurs de trouver facilement l’information qu’ils recherchent, tout en ayant un aspect graphique peu consommateur de ressources ;
  • Accessibles : couvrant les normes d’accessibilité classiques.

Le dilemme de l’écoconception Web

Faisant partie du concept de sobriété numérique qui englobe d’autres aspects (modération des usages numériques, recyclage du matériel, etc.), l’écoconception Web est encore à ses balbutiements. Lancée, pour ce qui concerne la France, en 2009 par un collectif d’acteurs du numériques, l’Alliance Green IT, l’écoconception Web n’est que l’adaptation de la norme ISO/TR 14062 sur l’éco – conception de produits et se heurte à certaines barrières.

Du choix de l’hébergement

À moins d’être expert réseau et de disposer de votre propre infrastructure d’hébergement, il faudra sélectionner les hébergeurs privilégiant cette approche. La question n’est pas simple. Les hébergeurs « verts » fleurissent sur la toile, cependant ils ne sont pas tous en France, loin s’en faut ! Et l’argument électricité verte est souvent plus du marketing que la réalité, l’électricité verte pollue, elle aussi (les éoliennes dégagent une pollution de microplastique induit par l’usure des pales, outre les perturbations électromagnétiques qu’elles engendrent, les panneaux solaires proviennent majoritairement de Chine et leur durabilité n’est pas exceptionnel, le nucléaire est classé dans les énergies vertes…).

Le pays d’appartenance de l’hébergement influe sur la partie réglementaire et notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD). Un serveur hébergé en France n’est pas assujetti aux mêmes lois qu’un serveur installé au Canada.

Généralement, il est préférable d’utiliser un hébergement dont les serveurs sont dans le pays du site Web. D’abord pour des questions de proximité et de réglementation (éviter les fuites de données par exemple). L’aspect technique joue un rôle fondamental. Chaque projet étant unique, il convient d’opter pour la meilleure solution : ai-je besoin d’avoir plusieurs bases de données ? Mon espace disque est-il suffisant ? Le matériel et les logiciels installés sont-ils performants ? Existe-t-il des options de cache intégrées pour accélérer le chargement des pages en limitant la consommation de bande passante ? Bien peu, au final, se pose la question de savoir si l’hébergement est vert ou pas ni ira vérifier les installations de son hébergeur…

En revanche, il peut aisément se documenter pour voir si son hébergeur dispose des normes ISO 14001 concernant l’environnement et ISO 50001 sur le management de l’énergie.

Idéalement, un hébergeur peut proposer des solutions :

  • D’optimisation du cache notamment dans la RAM ;
  • De minification et de combinaison de fichiers CSS et JS ;
  • De serveurs de types asynchrones ;
  • De disques SSD…

Une conception pensée en amont

Un site Web ne s’élabore plus comme au début d’Internet. Avant de penser aux choix techniques, il est nécessaire de penser l’architecture du site avant même de le réaliser :

  • Quantification la plus précise possible des besoins, d’où le cahier des charges ;
  • Une maquette UI/UX intégrant la charte graphique de votre entreprise (logo, couleurs, polices) et l’élaboration d’un design efficace, épuré, tendance ET vieillissant bien dans le temps ;
  • Une approche Mobile First : le site est développé avant tout pour les mobiles avant d’être décliné sur PC ;
  • Le choix de technologies, CMS et frameworks adaptés.

Un développement technique respectueux des standards et de l’environnement

Un site Web performant se veut rapide à charger, fonctionnel, sécurisé tout en respectant les normes réglementaires en vigueur. Si Green-IT liste un ensemble de 115 recommandations d’usage (consultable à cette adresse :  https://collectif.greenit.fr/ecoconception-web/115-bonnes-pratiques-eco-conception_web.html), un bon développeur pourra facilement :

  • Optimiser les images en amont et opter pour un format de fichier adapté (SVG, WebP, etc.) ;
  • Intégrer des formats de polices peu énergivores comme le standard Woff2 (Web Open Font Format 2) ;
  • Limiter au maximum le nombre de requêtes (c’est-à-dire d’échanges) entre le site, sa base de données et les applications tierces ;
  • Réduire au minimum les fonctionnalités nécessaires ;
  • Opter pour des solutions de minification et de combinaison de fichiers CSS / JS ;
  • Éviter, autant que possible, les animations inutiles notamment celles complexes faisant appel à du JS ;
  • Garder un code propre, facilement maintenable dans le temps ;
  • Intégrer des solutions de cache efficace quand l’hébergeur ne le propose pas ;
  • Respecter les standards W3C ;
  • Intégrer des solutions de sécurité efficientes et notamment dans les en-têtes avec l’activation du mécanisme de sécurité (HTTP Strict Transport Security) mais pas que 😉.
  • De charger nativement des vidéos (privilégiez les plateformes de streaming) ;
  • Adapter le contenu au format Web d’où l’intérêt de faire appel à un rédacteur spécialisé...

Mode sombre, une efficacité nuancée

Depuis quelque temps, le mode sombre fleurit sur des applications phares et systèmes d’exploitation tels que Google Chrome, Windows, Facebook, etc. Comme son nom l’indique, il consiste dans le remplacement des tons clairs par des tons se rapprochant du noir, les tons foncés permettant de se reposer les yeux. Mais pas que ! Il permettrait de réaliser des économies d’énergie. Dans les faits, seuls les écrans dotés de dalles OLED ou AMOLED verraient leur consommation légèrement baisser lorsque le mode sombre est activé… et encore ! Une étude de chercheurs de l’université de Purdue, aux États-Unis, indique que le gain serait négligeable dans certaines conditions notamment dans le cas de faible luminosité de la dalle (entre 30 % et 50 % de sa luminosité). A contrario, l’avantage est avéré lorsque l’écran est réglé à la luminosité maximum, celui consommant alors d’importantes quantités d’électricité.

Développé un mode sombre spécifique à un site Web a donc un avantage relatif selon l’utilisateur et son type d’écran (tous ne sont pas OLED ou AMOLED). D’autant plus que son activation doit :

  • Soit, se faire manuellement, l’utilisateur clique sur un bouton pour l’activer, cela restant une fonctionnalité optionnelle ;
  • Soit de manière semi-automatique avec une fenêtre popup s’affichant après un temps pour proposer son activation au risque de perturber les visiteurs dans leur navigation ;
  • Ou de manière automatique selon une plage d’heure plus ou moins prédéfinie en ayant préalablement sensibilisé les utilisateurs aux avantages de ce mode et d’affecter la lisibilité du site et potentiellement son taux de conversion.

Le développement de ce mode nécessite de repenser la colorimétrie de votre site pour ne pas perdre en lisibilité et un coût budgétaire supplémentaire pour une efficacité nuancée. Dans ce cas, il vaut mieux réaliser plusieurs tests (A/B testing) pour valider si votre audience n’est pas impactée négativement par cette fonctionnalité.

L’écoconception de sites Web nécessite de solides connaissances et ne se limite pas à une simple réduction d’images et au recours à moins d’animation. Il convient de la mettre en œuvre en amont de la création afin de lister tout ce qui est utile et l’est moins, de caler la structure, de réaliser un graphisme adapté et esthétique, etc. Des arbitrages sont à prendre en compte en fonction de chaque projet, l’écoconception Web ne doit pas être un frein. Toutes les recommandations du référentiel de Green IT ne pourront, dans la majorité des cas être respecté tellement cela dépend de votre hébergeur, de votre prestataire numérique, de la typologie de votre site (e-commerce, plateforme d’e-learning, de streaming, site vitrine…) et évidemment de ses fonctionnalités.

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